Arts&MétiersMag - N°433 - Février 2022 - 51

LE BILLET DE MICHEL HARMANT
Abus de peurs
inutiles
CH. 161
«L'UAI rugby Paris était présidée par Jean Bardinot (Pa. 119), secondé par
Georges Guillon (Pa. 116), Ignace Pérez (An. 130) et Georges Rivals
(Ai. 127). Il dépendait de l'UAI Paris multisport présidée par François
Lavaur (Ai. 122). L'UAI Paris avait une structure très particulière : d'un
côté, une société " mystérieuse " possédait les terrains de Sucy-en-Brie et,
de l'autre, le club multisport disposait, gratuitement, d'un remarquable
complexe sportif. Outre les Gadzarts, le club comprenait du personnel
des halles ou des anciens des ENP.
«Nous avons été quelques anciens de Vierzon à rejoindre l'UAI rugby
Paris en octobre 1951, qui jouait en honneur en Île-de-France. Nous nous
donnions rendez-vous à la Bastille et empruntions un " teuf-teuf " , l'ancêtre
du RER A, jusqu'au stade de Sucy-en-Brie. Au retour, la troisième mitemps
se jouait aux Voûtes, un café aménagé dans la gare de la Bastille.
«Après mon service militaire, fin 1953, Jean Bardinot m'a proposé une
place à la Soudure électrique Languepin, dont il était le directeur commercial.
J'y ai retrouvé notamment Jean Perronin (Cl. 142), brillant 3e
ligne.
«Au début des années 60, j'ai été nommé président de l'UAI rugby Paris
à la suite de Jean Bardinot. Seules les cotisations des membres alimentaient
la caisse. Le rugby se développait et notre organisation ne pouvait plus
tenir. Si, en 1960, la vente à Saint-Gobain des " pâturages " voisins du
complexe sportif n'a rien changé, il n'en est pas allé de même en 1965.
Le maire de Saint-Maur a mis sur la table une telle somme pour Sucy qu'il
a remporté notre terrain. L'UAI omnisports s'est retrouvée à la rue et...
toujours sans ressources. Le rugby a heureusement trouvé un point de
chute à Paris 12e
, où la mairie a mis gratuitement deux terrains à notre
disposition : La Cipale, dans le bois de Vincennes, était un site classé ;
l'autre, éclairé, disposant de vestiaires et douches modernes, nous servait
les mercredis soir. Tout cela à proximité d'un restaurant spécialiste du
cassoulet... où nous terminions la soirée !
«Avec l'arrivée de jeunes Gadzarts d'Aix en 1966 et 1967, nous avons pu
disputer les finales du championnat de France de rugby en première série.
Dommage que nous ayons perdu. Mais la fédération française nous a félicités
et m'a octroyé une décoration. Puis s'enchaînèrent des années normales,
toujours en honneur, sans qualification. Au début 1976, François
Lavaur, président de l'UAI, a pris sa retraite dans son Sud-Ouest natal.
Ce fut la fin de l'UAI Paris. En fin de saison, j'ai moi-même quitté le milieu
sportif. Des camarades, dont Georges Canal (Ai. 147) et Laurent
Kergourlay (Ai. 156), ont, eux, décidé de poursuivre l'aventure avec leur
club de rugby en honneur en Île-de-France.»
Jacques Guillocheau (An. 148)
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La peur a son utilité lorsqu'elle fait prendre conscience d'un
danger et permet ainsi de le prévenir ou d'en amoindrir les effets.
Nous contemplons avec condescendance les récits des
grandes peurs répandues au Moyen Âge, dont celle de l'an mil.
Mais nos propres comportements collectifs vis-à-vis des peurs
perçues par le public ont très peu évolué depuis l'époque moyenâgeuse.
Nos ancêtres de l'an mil ne connaissaient pas l'ordinateur.
L'arrivée du quatrième chiffre des ans dans les dates ne
les préoccupait guère. Est-ce une prérogative de l'ère numérique
? Nous avons eu des gestes de panique à l'approche de la
fin du vingtième siècle, redoutant l'incapacité de nos ordinateurs
à passer au chiffre 2 des millénaires. L'expérience a montré que
nos réactions de panique étaient exagérées.
Ce millénaire a plus de vingt ans et les sources de peurs collectives
sont loin d'être taries. Non content d'affronter les peurs
d'origine naturelle, le public semble prendre goût à apprendre
quotidiennement un nouveau motif d'angoisse collective. Les
moyens de diffusion de l'information
sont aujourd'hui puissants et
surabondants, reléguant les outils
moyenâgeux au rang des curiosités
archaïques. La peur est devenue une
marchandise, sa diffusion une industrie.
Notre engouement pour la
préservation de l'environnement
nous inculque la peur des déchets,
la peur du CO2, la peur du climat.
La peur des déchets radioactifs vient
en tête. Elle fait oublier les autres
dangers. Pourtant, tous les déchets
mal gérés sont dangereux, tels les
déchets chimiques. En 1975, un terril de déchets de charbon
a explosé au Pays de Galles, faisant six victimes et répandant
des poussières toxiques et radioactives, car le charbon n'est pas
inerte à cet égard. Nous côtoyons quotidiennement les résidus
de pesticides, de médicaments, de plastiques, de métaux lourds
et autres perturbateurs endocriniens. Mais le danger des rayonnements
ionisants supplante les autres. Pourtant, le monde
entier est naturellement irradié en continu. Dans les massifs
granitiques, en Bretagne, dans le Massif central, dans les Alpes,
le radon remplit les caves des habitations sans que les populations
locales en souffrent. Le Kerala en Inde a des plages dix
fois plus radioactives que les nôtres. Les touristes les fréquentent
cependant avec bonheur. Le sol de Ramsar (1)
, en Iran, est cent
fois plus radioactif que les nôtres. Le site est une destination
touristique prisée. Les curistes de Berthemont-les-Bains et ceux
d'Évaux-les-Bains apprécient les bienfaits de la radioactivité de
leurs sources thermales, autant que ceux de Gastein, près de
Salzbourg. Ceux qui tirent profit des peurs collectives exploitent
une phobie née des explosions nucléaires de 1945. Les déchets
nucléaires entretiennent cette phobie, même si, en France, ils
sont sous contrôle et sécurisés, qu'ils soient à courte ou à longue
durée de vie. Ces déchets n'ont causé aucun préjudice physique.
Ils ne sont que prétextes au commerce d'une utopie. Toute
nuisance potentielle ne devient danger que par surdosage.
(1) Destination touristique au bord de la mer Caspienne.
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N°433 / février 2022
51
Le danger des
rayonnements
ionisants
supplante les
autres peurs.
Pourtant,
le monde est
naturellement
irradié
en continu.
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