NEOMA Alumni Mag - N°17 - Décembre 2018 - 75

QUAND ET COMMENT LES COMPARAISONS
SOCIALES INFLUENCENT LE SERVICE
DE RECOUVREMENT

PAOLO ANTONETTI, NOUVEAU PROFESSEUR EN MARKETING AU SEIN DE L'ÉCOLE, A VU
L'UN DE SES ARTICLES PUBLIÉ EN AOÛT PAR LE JOURNAL OF SERVICE RESEARCH,
REVUE DE CATÉGORIE 2 SELON LA LISTE CNRS. IL NOUS EXPLIQUE LA GENÈSE
ET LE SUJET DE SA RECHERCHE.

Paolo Antonetti,
professeur
en marketing
à NEOMA BS

Pouvez-vous nous dire comment est né
votre sujet de recherche ?
Dans la recherche liée au domaine du service, un
pan important de ce secteur porte sur la relation
client en cas de problème. Comment réagir lorsque
quelque chose se passe mal et que le client n'est
pas content du service qui lui a été délivré ? J'ai lu
un papier publié dans une autre revue bien classée
qui dit que la solution miracle serait d'utiliser la
comparaison sociale descendante. Cela se traduirait par exemple en disant : « Désolé que les choses
se soient mal passées, mais ça aurait pu être pire !
D'ailleurs, c'est le cas d'une connaissance pour qui
ça a été plus compliqué que vous. » Cette recherche
en question dit qu'en utilisant cet argument, le
client se sentirait mieux. Un tel résultat permettrait
à l'entreprise de gagner en temps et en argent
dans la résolution de ces problèmes. J'ai trouvé
que cet argument était un peu trop beau pour être
vrai et j'ai choisi de m'intéresser à ce sujet à mon
tour.
Quelle démarche avez-vous réalisée
dans ce sens ?
Au travers de mes recherches, j'ai surtout voulu
démontrer que cette équation était un peu trop
simple. J'ai donc identifié une liste de risques
potentiels dans l'utilisation de cette comparaison.
Premièrement, j'ai vu que les clients étaient souvent méfiants à l'égard des discours des vendeurs
qui faisaient tout pour défendre les intérêts de leur
compagnie (Kirmani and Zhu, 2007). Ensuite, certaines études démontrent qu'ils réagissent aussi
négativement aux messages qui limitent leur
liberté individuelle (Guo and Main, 2012). Enfin, les
clients n'aiment pas que les compagnies émettent
des propos négatifs à propos de quelqu'un d'autre.
Cet acte est aussi perçu comme manipulateur et
injuste.
Et quelles sont les conclusions que vous avez
pu en tirer ?
Je dirais que cette technique de situation de
comparaison peut fonctionner et réduire le
mécontentement du client mais uniquement dans
des cas bien précis. Le plus souvent, les clients

jugent ces messages de manière critique, en
essayant d'établir les motivations des employés.
Ils peuvent en fait amener les clients à déduire
des intentions manipulatrices des employés, en
particulier dans les cas où de tels messages
contiennent des références désobligeantes à
d'autres sociétés de services et sont accompagnés
d'excuses antipathiques.
Que conseillez-vous aux entreprises
dans ce cas ?
La présentation d'excuses appuyées, chaleureuses
et honnêtes, suggérant que les employés sont
réellement préoccupés par la situation critique des
clients, contribue à réduire les perceptions quant à
l'intention de manipulation. Je montre également
que pour améliorer le caractère persuasif de cette
comparaison sociale, les employés devraient s'auto-déroger ; ainsi ils devraient suggérer que leur
propre expérience était pire que celle du client,
principalement du fait qu'ils avaient commis des
erreurs que le client n'avait pas commises. En
d'autres termes, renforcer leur rôle en tant que
cibles de comparaison génère moins de suspicion
quant aux motifs.
Donc si ces deux conditions sont remplies,
la solution est de fait résolue ?
Je dirais que la colère peut être apaisée. Cependant, cet effet n'est vrai que chez les clients particulièrement réceptifs aux comparaisons sociales.
Dans l'ensemble, ces messages ne semblent pas
offrir une stratégie de récupération appropriée aux
personnes peu intéressées par ces aspects. Je
conseillerais donc aux entreprises d'évaluer si leurs
clients sont susceptibles d'être réceptifs aux comparaisons sociales. Si tel est le cas, les employés
devraient être formés à la manière de diffuser des
messages de comparaison sociale efficaces et ceci
afin d'éviter les problèmes identifiés dans cette
recherche. Dans l'environnement ultra-concurrentiel dans lequel nous nous trouvons, la réputation
est reine, mieux vaut la protéger. ❚

NEOMA ALUMNI mag DÉCEMBRE 2018

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