Arts&MétiersMag - N°433 - Février 2022 - 33

Il y a beaucoup plus de
demandes pour reprendre une
affaire que d'offres de cédant.
Patrick Joyeuse (Ch. 163), membre du Clenam,
le réseau de la Société des ingénieurs Arts et Métiers
qui accompagne les candidats repreneurs.
Quand la reprise
offre plus
d'avantages
que la création
Joyeuse, doit composer avec le cédant, mais aussi avec
l'intermédiaire, le banquier et les salariés de l'entreprise.
L'addition de la grande quantité de données avec l'imprévisibilité
des réactions des différents intervenants pousse le
repreneur dans un maelström d'émotions fortes !»
Pour autant, l'avantage de la reprise, c'est que la société
tourne déjà d'un point de vue organisationnel : la logistique
est en place, la clientèle est constituée, les salariés sont recrutés.
Même si l'existant ne correspond pas précisément à
l'image que s'en faisait le repreneur, il a fait ses preuves. Les
ajustements se feront à la marge et par petites touches successives
pour ne pas risquer d'enrayer la machine.
NE PAS NÉGLIGER LE PRIX D'ACHAT
Évaluer l'entreprise est une étape impérative. Ce processus
sert aussi bien à la reprise qu'à la détermination de la valeur
financière de la société. Il existe de multiples approches de
valorisation : actuarielle, comparative ou par les sociétés
comparables. L'objectif est de comparer de multiples entreprises
à l'aide de valeurs comparables. Les techniques de
valorisation permettent d'étudier la valeur de marché via
diverses méthodes de calcul. L'évaluation passe donc par le
crible de multiples méthodes, additionnées en vue d'être le
plus précis possible. «On pourrait écrire des romans à ce
sujet, s'amuse-t-on au Clenam. Il faut avant tout établir un
vrai climat de confiance. La plupart des cédants accordent
une grande importance au bien-être de leurs salariés. Certains
les impliquent avant de prendre la décision de vendre et leur
avis compte énormément.» Et Patrick Joyeuse de raconter :
Alors que le financement de la reprise peut
s'appuyer sur l'existant, le financement de
la création est incertain : si les investissements
de démarrage peuvent être évalués précisément,
la durée des efforts financiers à fournir pour
le démarrage est moins facilement estimable.
D'ailleurs, le taux d'échec à trois ans des
entreprises créées ex nihilo est plus élevé que
celui des entreprises reprises : 40 % d'échec en
création contre 20 % à 25 % en reprise.
En période de crise économique, la recherche
d'un financement bancaire est difficile pour une
reprise mais elle est encore plus ardue pour une
création. Un banquier analyse le plan d'affaires
(business plan) d'une reprise avec moins
d'incertitudes (chiffre d'affaires, marge et résultat
sont connus) que dans le cadre d'un exercice de
style théorique quand il s'agit d'une création.
Si la reprise paraît plus chère au départ, le
dirigeant peut se rémunérer correctement dès le
début. Le créateur, au contraire, ne se versera pas
immédiatement de salaire. L'économie réalisée
par le créateur constitue en pratique une
renonciation à un salaire. Une reprise bien gérée
permet même de cumuler création et reprise par
l'apport du repreneur. Pourquoi, en effet, ne pas
développer sereinement un pan d'activité
nouveau dès lors que l'existant ronronne ?
«Deux visions doivent converger, les points de friction arrivent
souvent à ce moment-là ! C'est là que notre expérience
est utile : il faut savoir raisonner le cédant autant que l'acheteur
afin d'éviter que l'affaire capote. Mais ne nous y trompons
pas : par expérience, nous savons qu'au bout du bout
c'est bel et bien le cédant qui choisit son repreneur.»
Éric Roubert
(1) https://clenam.arts-et-metiers.fr
(2) Lire aussi en p. 28 de ce numéro.
Arts&MétiersMAG
N°433 / février 2022
33
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