NEOMA Alumni Mag - N°17 - Décembre 2018 - 41

LA BONNE IDÉE POUR UN MARCHÉ
PORTEUR
Pour Sara Jahanmir, professeure assistante en
innovation et Entrepreneuriat à NEOMA BS et
chercheuse au Massachusetts Institute of Technology (MIT), « la santé est l'un des secteurs les plus
excitants pour les entrepreneurs. Non seulement
par la grande diversité des possibilités d'affaires
mais aussi en raison de l'impact positif additionnel
que l'on peut avoir. Le big data, les nouveaux
médicaments, les dispositifs d'administration de

11 %

C'est la part de leur PIB
que les français
consacrent à la santé.

OCDE, 2017

Paul-Louis Belletante
(Téma 05)

médicaments, les technologies intelligentes et
celles basées sur l'intelligence artificielle sont en
plein boom. Des changements rapides sont en
train de bouleverser le secteur, dans les modèles
cliniques et dans les systèmes d'assurance (aux
États-Unis par exemple). La modification des stratégies marketing qui ne visent plus les médecins
mais les patients-consommateurs, le rôle des
smartphones et des dispositifs intelligents, tout
cela offre de nouvelles pistes d'affaires. » Pour
Paul-Louis Belletante, le marché des technologies
de la santé (Health Tech) en particulier est « extrêmement porteur et pas du tout saturé. Le numérique va bouleverser ce secteur car les données
vont permettre aux patients d'être mieux suivis et
pris en charge. » Les planètes sont donc alignées,
reste à trouver une bonne idée. Dans les ateliers
d'entrepreneuriat qu'elle dirige, Sara Jahanmir
encourage ses étudiants à chercher des idées du
côté des consommateurs résistants. « Ceux qui ne
sont pas satisfaits avec les solutions existantes
peuvent souvent vous donner les idées les plus
inattendues et les plus innovantes », confie-t-elle.
« Il faut bien faire la différence entre le médical et
le bien-être », souligne Arlette Petitjean (PGE 86),
consultante indépendante spécialisée dans l'entrepreneuriat en santé et enseignante dans des
écoles de commerce et d'ingénieurs. Les produits
liés au bien-être peuvent être librement développés. Mais la réglementation française et européenne est très stricte dès qu'il s'agit de produits
médicaux. Le processus de mise sur le marché est
long. Mais, pour Sara Jahanmir, « il ne faut pas se
laisser rebuter par la réglementation. Cela peut
paraître compliqué, mais il faut apprendre à s'en
emparer. Une fois que vous maîtrisez le processus,
vous disposez d'un important avantage compétitif. » La bonne idée ne suffit pas. « Il faut être sûr
que l'on apporte quelque chose de plus, vérifier
qu'il y a un marché et ne pas minimiser la concurrence », prévient Arlette Petitjean. Paul-Louis
Belletante ne dit pas autre chose : « Il faut avoir un
produit qui fonctionne, qui a des impacts et surtout savoir qui va payer. C'est la question centrale.
Il faut trouver un modèle économique tout de
suite. À Betterise, nous avons essayé de trouver
des clients plutôt que des fonds. » Les cinq actionnaires de Betterise (dont le célèbre médecin
Michel Cymes) se sont d'ailleurs lancés avec leurs
seuls fonds propres et une aide de 80 000 euros
de Bpifrance. Implantés dans quatorze pays, ils ont
aujourd'hui une quinzaine de clients (assurances
complémentaires, établissements de soins, laboratoires, grandes entreprises) et espèrent dégager
cette année « un chiffre d'affaires supérieur à deux
millions d'euros. » ❚

Arlette Petitjean
(PGE 86)

UN SYSTÈME FRANÇAIS DE SOINS,
BON TERREAU POUR INVESTIR
Betterise est l'une des nombreuses start-up françaises spécialisées en santé qui ont su s'appuyer
sur les forces et les faiblesses de notre système de
santé et sur les évolutions démographiques, économiques, sociétales et technologiques. Ainsi, l'allongement de la durée de vie en France (82,3 ans
en moyenne) et le vieillissement de la population
entraînent mécaniquement une augmentation des
maladies : selon l'Insee, en 2035, près de 14 % de la
population française aura plus de soixante-quinze
ans (contre 9,2 % en 2018) et 1,55 million de Français pourraient être dépendants. Avec les progrès
scientifiques, des maladies dont on mourait
naguère sont devenues chroniques. Elles nécessitent des traitements et un accompagnement à
long terme. Il ne s'agit pas seulement de vieillir
mais de bien vieillir. Encore faut-il être bien soigné
et bien accompagné. Dans le palmarès des pays
qui dépensent le plus pour leur santé, les Français
arrivent à la cinquième place mondiale : ils y
consacrent 11 % de leur PIB. Pourtant, l'accès aux
soins est de plus en plus inégal et la fracture médicale s'élargit. Médecins de ville et hôpitaux continuent d'évoluer dans des univers parallèles : de
nombreux actes médicaux sont redondants, la
communication reste insuffisante entre professionnels de santé. La France pratique encore trop
peu la chirurgie ambulatoire (quatre opérations
sur dix, contre huit sur dix aux États-Unis). Enfin,
elle est à la traîne en matière de prévention. Ces
faiblesses, associées à l'apparition du big data, à
l'envolée des technologies numériques et aux progrès de l'intelligence artificielle, constituent un terreau unique pour les créateurs d'entreprise. « La
révolution du big data promet de fortes opportunités d'amélioration de l'offre de soins, et pourrait
être davantage mise au service des professionnels
de santé en permettant notamment de faire évoluer l'approche sanitaire vers une médecine prédictive et épidémiologique, note ainsi l'Institut
Montaigne dans un rapport de juin 2016. Ainsi, par
exemple, l'exploitation des données anonymisées
des patients pourrait permettre d'analyser la tolérance et l'efficacité des traitements, d'individualiser
les prises de décisions thérapeutiques et de
construire une médecine fondée sur des preuves. »

Sara Jahanmir,
professeure assistante
en innovation et
entrepreneuriat à
NEOMA BS et
chercheuse au
Massachusetts
Institute of
Technology (MIT)

Claire Morris

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